Cette question relève aujourd’hui de la science fiction mais pour combien de temps encore ? Entre le développement du tourisme spatial et la colonisation de l’espace qui devient de plus en plus concrète, le fait de voir des grossesses se développer en apesanteur semble aujourd’hui tout à fait réaliste.

Pourtant, il est loin d’être évident que ces dernières soient sans danger pour la mère et pour le foetus. Il y a en tout cas un vrai manque de connaissance sur le sujet. On sait par exemple que les radiations provoquent des dégâts à l’ADN (de nombreuses études l’ont démontré) et l’espace est empli de radiation cosmique.

Ce que l’on connait moins, c’est les effets des niveaux de gravités plus faibles, que l’on appelle la microgravité, sur les organismes et notamment sur ce qui se produit à l’intérieur de nos cellules. En réalité, c’est un élément auquel les scientifiques commencent tout juste à s’intéresser : en étudiant des cellules souches embryonnaires et les modèles de développement des embryons au cours de leurs premières semaines dans l’espace, on pourra déterminer si les grossesses dans l’espace sont viables ou non.

L’étude des grossesses dans l’espace : un phénomène déjà étudié… chez les animaux !

Quand bien même nous avons peu d’informations sur le bon déroulement des grossesses humaines dans l’espace, des études ont déjà été réalisées sur ce même sujet pour les animaux.

Que ce soit des insectes, des amphibiens, des poissons, des reptiles, des oiseaux ou encore des rongeurs, tous ont déjà été étudiés.

Pour les ovipares, on a pu constater que les fécondations qui ont eu lieu lors de vols spatiaux ont vu se développer des oeufs tout à fait viables sur Terre par la suite. Mais pour les mammifères cela semble plus compliqué : les mêmes tests effectués sur les souris ont révélés des complications liées à l’exposition à la microgravité. D’autres tests encore, sur des rats, ont révélé des modifications néfastes de l’ADN en raison d’une exposition à la microgravité toujours. Puisque l’ADN est touché, on peut imaginer que ces traits pourraient être transmis à un foetus.

Le module "Rodent Habitat" de la NASA
Le module “Rodent Habitat” que la NASA utilise pour réaliser des tests sur les rongeurs. Crédits : NASA

Tout cela n’est pas illogique : les cellules humaines ont évolué pendant des millions d’années spécifiquement sur la Terre avec son propre champ gravitationnel. Evoluer en microgravité vient complétement changer de nombreuses données : la force exercée sur nos tissus, nos cellules et notre contenu intracellulaire est nécessairement différente.

L’étude de ce phénomène s’appelle la mécanobiologie et les scientifiques ne sont pas tous optimistes. Dans le cadre d’une grossesse, la division des cellules et le mouvement des éléments (gènes et chromosomes) à l’intérieur de ces dernières, fonctionne avec la force de gravité de la Terre. Et cette division est cruciale pour le bon développement du foetus.

La gravité terrestre joue un rôle sur la position du foetus

Le processus de clivage désigne les premières divisions cellulaires d’un embryon. Lors de ce processus, la vitesse de division n’est pas homogène : elle peut être plus rapide à une extrémité de l’embryon qu’à l’autre. Cette vitesse de division n’est pas due au hasard mais est déterminée par la gravité terrestre. La gravité joue donc un rôle dès les tout premiers instants constitutifs d’une vie humaine.

Outre le clivage, les cellules pluripotentes, c’est-à-dire les cellules qui peuvent se développer en toutes les cellules du corps, sont affectées par la microgravité. Du moins, c’est ce que semblent indiquer certaines données issues de tests sur des rongeurs : ces dernières perdraient leur capacité à devenir certains types de cellules dans ces conditions.

Bob Hines réalisant des tests biologiques dans l'ISS
L’ISS réalise des tests sur la création de cellules pluripotentes. Ici l’astronaute Bob Hines traite des échantillons biologiques. Crédits : NASA

Des tests sont actuellement en cours dans l’ISS à propos du processus de création de cellules pluripotentes à partir de cellules matures normales : les tests réalisés sur Terre à partir d’une microgravité simulée ont montré que ces dernières se produisaient deux fois plus vite. Si cette vitesse de production en microgravité était avérée, il deviendrait alors probable d’imaginer des exploitations commerciales et des fabricants de cellules souches s’installer en orbite. Aujourd’hui, nous avons de grandes difficultés à créer assez de ces cellules sur Terre pour traiter les maladies dégénératives.

Le champ gravitationnel

D’autres problèmes potentiels viennent s’ajouter à ceux cités ci-dessus : on ne sait pas comment la fécondation, la production d’hormones, la lactation et la naissance elle-même seront affectées par la microgravité.

Il faut également prendre en compte les temps d’exposition à cette microgravité : une exposition d’une demi-heure n’aura peut-être pas le même effet qu’une exposition prolongée de plusieurs semaines.

Pour se protéger de tous ces événements, deux solutions sont à l’étude par les scientifiques : une intervention au niveau cellulaire, à l’aide de médicaments ou de nanotechnologies, et une intervention au niveau environnemental, en simulant la gravité de la Terre dans des vaisseaux spatiaux. Evidemment, ces deux domaines d’études n’en sont qu’à leurs débuts.

En attendant d’en apprendre plus sur l’ensemble de ces évènements, il est déconseillé aux astronautes de concevoir un enfant avant, pendant ou dans les jours qui suivent un vol dans l’espace.

Source : https://theconversation.com/pregnancy-in-space-studying-stem-cells-in-zero-gravity-may-determine-whether-its-safe-189318