Les américains replacent la Lune au centre de leur préoccupation, plus de 53 ans après que Neil Armstrong ait foulé la surface de notre satellite. Les objectifs sont nombreux et le premier est de reposer un pied américain sur la Lune dès 2025. Mais le plus extravagant, ou plutôt surprenant, est celui d’y construire un avant-poste permanent et donc de s’y installer durablement.

Pourquoi retourner sur la Lune maintenant ?

L’administration Biden, avec en tête de proue le président en personne, a présenté sa “stratégie nationale des sciences et des technologies cislunaires”. Ce dernier y fait notamment mention de 4 objectifs principaux :

  1. Investir dans la recherche et le développement
  2. Développer la coopération avec d’autres pays
  3. Construire des réseaux de communication dans l’espace
  4. Améliorer la connaissance de la situation générale de l’humanité à proximité de la Lune et sur la Lune

Autant d’objectifs qui nous laissent rêveurs face à toutes les potentielles découvertes qui accompagnent ce plan ambitieux. Mais outre l’aspect scientifique, la question du timing est également centrale, tout comme celle des motivations sous-jacentes des Etats-Unis.

En effet, se rendre sur la Lune, ce n’est jamais anodin et dès qu’il est question de l’espace cislunaire – c’est-à-dire de tout l’espace qui se trouve autour de la Terre jusqu’à l’orbite de la Lune -, des questions économiques, juridiques, politiques et environnementales font surface.

Car si la motivation première des Etats-Unis est sans conteste scientifique, il existe un réel aspect économique, complétement assumé par l’administration Biden, à replacer la Lune au centre de la recherche spatiale. Le programme présenté parle par exemple de la “croissance économique” disponible dans l’espace cislunaire et met l’accent sur les “activités de développement économique”, avec en objectif politique “la réalisation du leadership américain”.

Combinaison spatiale Artemis
Leadership américain ou collaboration internationale ? Les Etats-Unis semblent rechercher les deux. Crédits : NASA – Présentation de la nouvelle combinaison spatiale pour Artemis

Sur l’aspect scientifique, les Etats-Unis s’intéressent particulièrement à la face cachée de la Lune qui présente le grand intérêt d’être préservée de toutes les radiofréquences qui proviennent de la Terre. Si l’on avait les moyens de construire des postes d’observations spatiales dans cette zone, on s’ouvrirait à de nombreux nouveaux types d’observations astronomiques. Aussi, des avant-postes lunaires constitueraient des aides précieuses pour de futures missions vers Mars.

Mais comment doit réagir le monde face à ces ambitions à la fois louables mais aussi questionnables : si les USA parviennent à atteindre leurs objectifs, l’aspect de la Lune pourrait être modifié. L’orbite lunaire verrait naître de nombreux satellites. Une base lunaire verrait le jour sur le pôle sud du satellite. Et que nous réserve le futur ? Des centrales nucléaires lunaires ? Des opérations d’extraction de ressources (la Lune est notamment riche en Titanium, Hydrogène, Fer et Helium-3) ? On parle même de création d’un “internet lunaire”. Forcément, les gouvernements internationaux sont attentifs à toutes ces annonces. Preuve en est, la Chine et la Russie ont également déjà annoncé des projets d’avant postes lunaires. Une chose est sûre, la Lune est redevenu un eldorado.

Un plan bien ficelé mais loin d’être infaillible

Le plan présenté comprend des failles, à commencer par les tensions politiques qu’il génère et qui pourraient, à elles seules, constituer une source majeure de conflit.

Il n’existe en effet – malheureusement – aucune vision commune mondiale sur ce que devrait être l’avenir de la Lune. Certes, sous le joug des Etats-Unis, une vingtaine de pays ont signé les accords d’Artémis (dont la France), qui constituent des principes communs notamment sur l’exploration et l’utilisation de la surface lunaire. Mais ces mêmes accords ont été refusés par la Chine et la Russie. Même si la position des USA est de mettre en avant la grande surface de la Lune avec ses 15 millions de kilomètres carrés (soit les surfaces de l’Afrique et de l’Australie combinées) et donc la possibilité de se la “partager” sans se marcher sur les pieds, rien ne garantie en réalité qu’un lieu soit disputé tôt ou tard, comme un lieu riche en un matériau spécifique ou un lieu d’alunissage particulièrement efficace.

Equipe de contrôle des vols spatiaux de la NASA - Mission Artemis
La France, par le biais de l’ESA participe sur des modules spécifiques des missions spatiales Artemis, au même titre que le Japon, le Brésil, l’Ukraine, Israël ou encore 15 autres pays. Crédits : NASA – Equipe de contrôle des vols

Ce manque de collaboration internationale pose de véritable limites car outre de potentiels accords, elle s’étend à des sujets comme le partage d’information sur la météo spatiale ou encore à l’organisation et au suivi des satellites dans un catalogue commun pour éviter des embouteillages ou pire, des accidents. Mais la position des Etats-Unis n’est évidemment pas d’une transparence absolue car la majorité des efforts spatiaux américains se font sous le commandement de l’armée américaine (et du ministère de la Défense) et cette dernière ne peut pas être dans un partage d’information absolu pour des raisons évidentes.

Les déchets lunaires, un problème ou pas ?

Un problème ou une question qui fait régulièrement surface est celle des déchets. Les passages des astronautes ont laissé de fameuses traces de pas, mais pas que ! Plus d’une centaine de sacs de déchets et d’excréments, jusqu’à des balles de golf, ont été laissés sur la Lune suite à la dernière visite des américains le 20 juillet 1969.

En 2009, la NASA a volontairement fait se crasher un robot spatial (la sonde LCROSS) sur la surface lunaire dans l’optique d’étudier les sources potentielles d’eau sur notre satellite. Les chinois ont également participé en 2014 puisque des débris spatiaux issus d’une fusée chinoise (Chang’e-5) finirent leur course sur la Lune.

Bien que tout cela constitue des détails pour le moment – qui peuvent même en amuser certains -, l’Humanité n’est pas particulièrement exemplaire sur Terre et cette question semble prendre toute sa légitimité, dès aujourd’hui, pour appliquer de bonnes pratiques et éviter de reproduire des erreurs similaires.

Les débris ne restent pas toujours dans l’espace. Ici un débris de la fusée Delta 2 ayant fini sa course en Moyen Orient, le 21 janvier 2001. Crédits : NASA

Limiter les machines à usage unique, tels que les satellites, les rovers ou encore les fusées qui ont tous une durée de vie limitée semble donc une piste intéressante à creuser, dès aujourd’hui.

Ainsi, la colonisation de la Lune pose de vraies questions et peut être l’occasion de ne pas reproduire les mêmes problématiques auxquelles nous faisons face sur Terre, que ce soit au niveau écologiques ou sur les conflits entre les pays.

A souligner que pour rester positif, nous n’évoquerons pas ici les questions autour des défenses spatiales dans lesquelles investissent – malheureusement aussi – tous les pays concernés.

Article inspiré par https://www.vox.com/recode/2022/11/22/23473483/white-house-joe-biden-moon-artemis-permanent-outpost-spacex